Le colonel Kadhafi ne défendra pas les droits de l'homme mais l'Islam

Publié le par Eli d'Ashdod

Le colonel Kadhafi ne défendra pas les droits de l'homme mais l'Islam

 

 

 

Le colonel Kadhafi a donné un avant-goût de ce que promet la deuxième réunion de Durban sur les droits de l'homme, dont le comité préparatoire est précisément présidé par la Libye, avec l'Iran parmi les vice-présidents. Dans un discours prononcé le 12 mars à Nouakchott en Mauritanie, le guide libyen a pris des accents prophétiques non pas pour évoquer les droits de l'homme, mais «l'universalité de la religion musulmane».

 

Selon le président libyen, «le Coran démontre qu'il n'existe pas de divergences entre l'islam et Moïse ainsi que ses proches fidèles, parce qu'ils étaient des musulmans. S'ils avaient vécu du temps de Mahomet, ils auraient cru en lui, tout comme il n'existe pas de problème avec Jésus et les autres prophètes, étant tous des musulmans et Mahomet le sceau des prophètes.» Si discorde il y a, a-t-il ajouté, elle se situe «entre nous et ceux qui ont refusé de suivre Mahomet, qui est un messager des juifs, des chrétiens et de toute l'humanité». Dans la foulée, le dictateur libyen a encore invité ses coreligionnaires à instituer un «calendrier musulman à l'image des chrétiens», reprenant une revendication de «scientifiques» et autres dignitaires de l'islam réunis l'an dernier au Qatar lors d'une conférence intitulée: «La Mecque, Centre du Monde, Théorie et pratique». A cette occasion, ils ont appelé à remplacer l'heure GMT du méridien de Greenwich par celle de la Mecque, alléguant que cette ville saoudienne est le vrai centre du monde par «la volonté d'Allah» comme la «science moderne en a enfin fourni la preuve». (Dali plaçait le centre de l'univers à la gare de Perpignan.)

 

S'érigeant en défenseur de l'islam, le nouveau président de l'Union africaine a fait valoir qu'il est du devoir de chaque musulman de fortifier la religion et de la propager partout dans le monde. D'ailleurs, il n'a pas manqué de citer la grande contribution de la Mauritanie à la diffusion de l'islam en Afrique de l'Ouest et du Centre, se gardant bien de parler du sort des Noirs maintenus en esclavage par les Maures et toujours victimes de discrimination raciale dans son propre pays. Abordant l'avenir de l'islam en Europe, le colonel Kadhafi s'est félicité de sa progression croissante avec la présence de millions de musulmans, alors que le nombre de non-mahométans est en régression et que «la dynamique des conversions à l'islam se poursuivra avec l'entrée de la Turquie, de l'Albanie et de la Bosnie-Herzégovine dans l'Union européenne». Quant à l'Afrique et à l'Asie, estime le dirigeant libyen, «elles s'orientent peu à peu vers l'islam, sonnant ainsi la fin de certaines religions appelées à être remplacées par l'islam, quoi que disent les polythéistes et les incrédules».

 

A entendre le colonel Kadhafi, on est bien loin des illusions entretenues par les promoteurs de l'Alliance des civilisations, cette initiative lancée conjointement par le premier ministre turc Recepp Erdogan et son collègue espagnol José Luis Zapatero suivant une idée de l'ancien président et hodjatoleslam iranien Khatami d'un dialogue entre l'islam et l'Occident. Placé sous l'égide de l'ONU en 2005, ce regroupement a connu une nouvelle consécration avec l'inauguration en grande pompe à la veille du 60e anniversaire le 10 décembre dernier de la Déclaration universelle des droits de l'homme au Palais des Nations à Genève, d'une nouvelle salle entièrement rénovée aux frais de l'Espagne et baptisée «Conseil des droits de l'homme et de l'Alliance des civilisations». Comme si cette dernière devait prendre le pas sur un système des droits de l'homme de plus en plus mis à mal et vidé de sa substance...

 

C'est dans ce contexte de remise en cause de l'universalité des droits de l'homme que l'Organisation de la conférence islamique (OCI), forte de 57 membres sur 192 à l'ONU, s'active à faire entrer la religion dans les instances internationales et à imposer des normes anti-blasphème restreignant la liberté d'expression sous couvert de lutte contre «l'islamophobie» et la diffamation des religions, à commencer par l'islam. La même présidente libyenne du comité préparatoire de Durban II s'était déjà distinguée alors qu'elle dirigeait en 2003 la Commission des droits de l'homme qui a sombré dans le discrédit, en s'adressant à l'assemblée par ces pieuses paroles: «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux, je vous salue avec les salutations de l'islam, que la piété de Dieu vous entoure.» Comme si elle se prenait pour une envoyée du ciel. A la fin de la session, Mme Najat al-Hajjaji, avait manœuvré avec ses compères de l'OCI pour empêcher tout débat sur une résolution réclamant la fin des discriminations contre les homosexuels. D'abord en reléguant la question au dernier point de l'ordre du jour, puis en acceptant une suspension de séance pour permettre aux délégués musulmans d'aller faire leur prière, avant de clore la session et d'enterrer ce sujet litigieux.

 

Avec la bénédiction de la Jamahiriya arabe libyenne du colonel Kadhafi et de l'Iran des ayatollahs, Durban II est décidément bien mal parti. Les démocraties sauront-elles se ressaisir avant qu'il ne soit trop tard, ou accepteront-elles sans broncher de servir de caution aux desseins des dictatures, quitte à se renier et à boire le calice jusqu'à la lie ?

 

Source: Jean-Claude Buhrer, Le Temps - mardi 17 mars 2009

Publié dans International

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