Printemps arabe, l'analyse par le Général de Corps d'Armée Cann

Publié le par Eli d'Ashdod

Drôle de printemps

 

Le goût de nos journalistes pour les métaphores les a conduits à baptiser de « Printemps arabes » l’ensemble des manifestations de la rue au Moyen-Orient et sur les rivages sud de la Méditerranée.

 

Or ces manifestations n’ont de « printemps » en commun que le nom.

 

En Tunisie, l’un des pays les plus alphabétisés de la planète, il s’agit d’une révolte sociale de masse, comparable à celle de 1848 en Europe.

 

C’est un peu la même chose en Egypte où les Frères musulmans se servent très habilement de cette révolte sociale.

 

En Libye et au Yémen, pays largement analphabètes, il s’agit de rivalités tribales.

 

Seuls la Syrie et Bahreïn sont en proie à une guerre de religion. En Syrie, la minorité alaouite (secte chiite) se maintient au pouvoir grâce à l’appui de l’Iran, dans un duel à mort contre la majorité sunnite (dont les Frères musulmans). A Bahreïn, la situation est inverse : la minorité sunnite, appuyée et financée par son voisin et maître, l’Arabie Saoudite, se maintient au pouvoir contre la majorité chiite.

 

XXX

 

La guerre de religion en Islam

 

1 – Depuis trente ans, le Moyen-Orient, et partiellement le Proche-Orient, sont entrés en guerre de religion : chiites (les « protestants » de l’Islam) contre les sunnites (les « catholiques » de l’Islam). Les huit ans de guerre dans les années 80 entre l’Iran chiite et l’Irak sunnite furent le démarrage sanglant de cette guerre de religion dont le point d’orgue symbolique fut l’attaque des lieux saints de la Kaaba à La Mecque par un commando probablement iranien. Le commando fut exterminé par le GIGN du capitaine Barill sollicité par le roi d’Arabie Saoudite.

Aujourd’hui, les ennemis en sont à 200.000 morts, bien plus que lors de « notre Saint Barthélémy » !

 

2 – Les chiites sont très hiérarchisés à l’image de l’Eglise Catholique : un seul chef, non pas à Rome, mais à Qoms, pas loin de Téhéran. Tous les chiites du monde entier lui obéissent instantanément, au doigt et à l’œil, en Iran, au Sud Liban (avec le Hezbollah), dans certains émirats et, en partie, au Pakistan. S’y raccrochent des sectes comme les Alaouites (minorité dirigeante de la Syrie et majorité régnante au Maroc) ou comme les Druzes (au Liban et en Syrie). A l’inverse des chiites, les sunnites n’ont pas de hiérarchie religieuse mondiale.

 

Les chiites disposent, de par le monde, d’une diaspora riche, bien organisée et solidaire. Un exemple : au Sud Liban, le maire d’Harris où j’avais mon PC de Bataillon (1978-1979), avait de nombreux enfants : le fils aîné travaillait en Afrique du Sud dans l’extraction de diamants, le cadet taillait les diamants à Bruxelles et le troisième les vendait place Vendôme à Paris.

 

 

 

 

 

 

3 – En 1970 la minorité alaouite prend le pouvoir en Syrie avec Hafez El Assad (père de l’actuel président, Bachar). En 1977, il veut mater les Frères musulmans (sunnites). Il en massacre 25.000 à Hama en une seule nuit. Entre temps, il sert de relais à Khomeyni vers le Liban en organisant les grands attentats (USA et France) à Beyrouth en octobre 1983. Khomeyni voulait obtenir de la France qu’elle continue de verser les dividendes du pacte pétro-financier signé ente VGE et le Chah d’Iran.

Aujourd’hui la brutalité de l’armée syrienne surprend, en particulier à Lattaquié. Mais ce principal port syrien de 350.000 habitants est le fief symbolique des Alaouites, ce qui explique l’intervention musclée de la marine syrienne.

 

4 - Actuellement en Syrie, il ne s’agit pas d’un printemps arabe mais d’une lutte à mort entre les sunnites et les alaouites auxquelles il faut associer les minorités chrétiennes, druzes et kurdes qui n’existent, au nom d’une alliance objective, que grâce au bon vouloir de Bachar El Assad. Toutes ces minorités connaissent une tragique alternative : le maintien ou la mort violente. Déjà les chrétiens de Damas partent vers le Canada. « La valise ou le cercueil ».

 

5 – Au Proche-Orient le temps travaille pour les sunnites, ce qui n’est pas le cas au Moyen-Orient où l’Iran se constitue une force de frappe nucléaire, non pas contre Israël, mais pour dissuader l’Arabie Saoudite, voire le Pakistan sunnite et, pourquoi pas, à terme la Turquie sunnite tant il est vrai que subsiste, sous ces latitudes, l’éternelle « Haine à trois » entre arabes, perses et ottomans.

Affaire à suivre … avec un boulier pour compter les coups … car ça va saigner !

 

6 – La presse occidentale s’étonne de l’attitude passive de la Russie et de la Chine au Conseil de Sécurité de l’ONU, s’agissant des problèmes arabes.

Elles se sont fait prier l’une et l’autre à propos de la Libye pour finalement accepter, du bout des lèvres, les interventions aériennes de l’OTAN. Mais il y a fort à parier qu’elles resteront sourdes aux requêtes de l’ONU relatives à la Syrie car … elles ont, l’une et l’autre, leur « problème sunnite », la première au Caucase avec les Tchétchènes et la seconde au Xin Jiang avec les Ouigours.

 

7 – Nous, Européens, seront rapidement concernés par tous ces chamboulements : si l’Egypte n’est plus commandée, pas plus que la Syrie, alors les agitateurs actuels que nous voyons à la télévision vont s’en prendre à Israël, dans le Sinaï d’un côté et dans le Golan de l’autre.

La question préoccupante sera alors : « A partir de quand, l’Otan qui se sera désengagée de l’Afghanistan, interviendra-t-elle au profit d’Israël, évidemment sous mandat de l’ONU ? »

 

 

 

Le soi-disant « printemps arabe », dont nos médias se repaissent, risque bien d’engendrer un automne macabre dont nous ressentirons les effets négatifs en Europe.

 

 

François Cann

le 20 août 2011

Publié dans Islamisme

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